Cette semaine était une nouvelle fois décisive. Après l’adoption du texte sur la réforme des retraites par 49-3, le Gouvernement devait faire face aux deux motions de censure déposées à son encontre, et Emmanuel Macron devait reprendre la parole pour apaiser les choses.
Retour sur une semaine politique où Emmanuel Macron a pensé sortir de l’impasse avant de se rendre compte de la gravité de la situation.
Le weekend dernier, le microcosme politique s’agitait autour d’une hypothèse, ou plutôt 2, comme le nombre de motions de censure déposées à l’encontre du Gouvernement d’Elisabeth BORNE. Car en réponse à l’utilisation du 49-3 pour faire adopter la réforme des retraites, les oppositions, unies autour de la motion de censure transpartisane déposée par Charles DE COURSON, député indépendant du groupe LIOT, espéraient bien faire tomber le Gouvernement.
Alors tout le weekend et tout au long de la journée de lundi, les opposants au Gouvernement ont tenté de rallier une majorité de députés à leur motion de censure.
Lundi soir, le verdict est tombé.
Alors à l’issue du vote, la motion de censure est donc finalement rejetée. Mais cette journée de lundi, a donné quelques sueurs froides au Gouvernement, car au fil de la journée, de plus en plus de députés Les Républicains ont annoncé leur intention de voter la motion. Une fois de plus, c’est donc la droite qui est était au coeur de toutes les convoitises. Aurélien PRADIE, qui avait déjà joué les trouble-fêtes pendant la discussion du texte, a réussi à amener avec lui près d’une vingtaine de députés Les Républicains : un chiffre important alors que le Président de groupe avait donné pour consigne de ne pas voter cette motion de censure.
Alors certes, à l’issue de ce vote, le Gouvernement est sauvé. Mais du côté de l’exécutif, personne ne s’attendait à voir ce vote se jouer à 9 voix près. Car c’est bien cela dont il s’agit, le Gouvernement d’Elisabeth BORNE n’est pas tombé à 9 voix près.
Pour l’exécutif, le maintien du Gouvernement par le rejet de la motion de censure devait venir clore cette séquence douloureuse pour la majorité. C’est en ce sens qu’Emmanuel MACRON avait annoncé plus tôt qu’il s’exprimerait mercredi, à 13h sur le contexte actuel.
Pour les équipes du Président de la République, cette intervention médiatique, très attendue après un silence qui aura duré des semaines, devait apaiser les français et permettre de clore définitivement la séquence en appelant à un retour au calme.
Mercredi donc, le Président de la République s’exprimait devant TF1 et France 2 représentés par Marie-Sophie LACARRAU et Julian BUGIER depuis l’Elysée. Mais avant même le début de son interview, la veille au soir, l’intervention d’Emmanuel Macron faisait déjà polémique. D’abord, le format : une interview, à 13h. Beaucoup déjà, critiquaient ce format, qui en disait long sur l’importance accordée à ce moment, et l’horaire, peu pratique pour se faire entendre de tous les français. Nombreux ont été les commentateurs à souligner qu’il s’adressait d’abord à son électorat et que par ce choix, il minimisait la situation actuelle.
Mais, au delà du format, ce sont ses propos, tenus alors qu’il réunissait à l’Elysée les parlementaires des différents groupes de la majorité, qui ont fait le plus de bruit. Alors que le Président de la République comptait remotiver ses troupes, il s’est fendu d’un commentaire, contestant vivement la contestation qui s’exprimait dans la rue et notamment sa légitimité face aux élus de la République.
C’est donc sur ces mots que s’est ouverte l’interview du Président de la République mercredi midi, comme pour souligner un Président enfermé, n’ayant pas pris conscience de la réalité de la situation.
Pour Emmanuel Macron, la réalité est toute autre : la contestation est légitime, mais pour lui, les institutions démocratiques ont parlé, la réforme des retraites sera donc promulguée. Très rapidement, le Président de la République fait comprendre aux journalistes qu’il ne reviendra pas sur ce projet, et que l’Assemblée n’étant pas parvenue à renverser le Gouvernement, il conservait toute sa légitimité pour être exécuté. Cette réponse, étonnante, contraste avec les images de violences de ces derniers jours et met en lumière une stratégie phare d’Emmanuel Macron : l’enjambement. Comprendre : c’est adopté, les discussions sont donc terminées.
Sur les raisons de ces ratés, les journalistes arrachent tout de même une confidence au Président de la République : celle d’avoir raté l’explication de cette réforme présentée comme cardinale. C’est vrai, depuis sa présentation, cette réforme des retraites est brouillonne. Les arguments ont été confus, vagues, multiples, imprécis et tout ça a desservi la base qui aurait potentiellement pu non pas soutenir mais comprendre cette réforme si elle avait été correctement présentée. Or le problème, depuis des mois, c’est que le Gouvernement a avancé trop d’explications variées pour justifier cette réforme : projet phare d’Emmanuel Macron, légitimité de la campagne électorale, nécessité budgétaire, augmentation des pensions, financement de la transition énergétique … bref en définitive, tout le monde a bien noté qu’il faudrait travailler 2 ans de plus, mais personne n’a vraiment compris pourquoi. C’est là l’erreur principale de cette réforme et de son service après-vente.
Dans son interview, Emmanuel Macron, a, pourrait-on dire, pour la première depuis le lancement de ce projet, réussi à justifier clairement cette réforme. Mais cette explication, intelligible, aurait dû intervenir il y a 6 mois, en amont, pas après coup. De fait, le Président de la République s’est livré à un très bref mea culpa.
On l’a compris, par cette interview, Emmanuel MACRON souhaitait tourner la page de la réforme des retraites. Non, ni lui ni son Gouvernement n’ont assuré dans la mise en oeuvre de ce projet de loi, mais le message de ce mercredi était : passons à autre chose.
Mais au regard de la situation actuelle, et du niveau de colère qui s’exprime dans le pays, passer à autre chose semble bien compliqué. Pour cela, il faudrait des annonces, de nouvelles perspectives, des projets susceptibles de rassembler les Français. Alors, dans la sphère politique, cette interview était très attendue, car elle devait être celle qui fixerait le cap des semaines et des mois à venir.
Alors oui, Emmanuel Macron a annoncé à demi-mot le report du projet de loi immigration. Le Gouvernement se voyait mal s’engager pour de longues semaines dans une discussion autour d’un projet de loi dont le sujet est une bombe à retardement. Mais en contrepartie, le Président la République … n’a véritablement rien annoncé. Pas de grand projet, pas de thématique nouvelle, pas d’élan renouvelé au sortir de cette crise. Les quelques thèmes, égrenés sur la fin : ordre républicain et mieux vivre ne sont en rien une nouveauté : ils constituent des éléments clés de son programme de 2022.
Alors, face à un Président visiblement pas très enclin à faire des concessions, comme attendu, la journée de mobilisation sociale de jeudi, était l’une des plus fortes enregistrées depuis le début du mouvement. En prime, parmi les manifestants, la figure d’Emmanuel MACRON semblait cliver davantage encore, comme si après des semaines de mobilisation et des images fortes de rassemblements pacifiques et de poubelles en feu, le Président continuait à nier la réalité de cette contestation.
Jeudi soir, les chiffres de la mobilisation, annoncés autour de 3 millions en France ont visiblement surpris l’exécutif, qui ne s’attendait pas à ce que le mouvement perdure. Pire encore, les images de violences aussi bien policières que celles des casseurs, ont mis au grand jour la tension palpable qui s’installe de plus en plus.
Face aux chiffres des mobilisations de jeudi, et les images fortes des débordements, une chose semblait certaine : la prise de parole du Président de mercredi était inefficace.
Vendredi, Emmanuel MACRON devait se rendre à Bruxelles, pour un sommet européen. A l’issue des réunions communautaires, le Président de la République a été contraint de changer de stratégie face à l’intensification de la mobilisation. Exit la stratégie de l’enjambement, il lui faut réagir, et surtout s’investir enfin personnellement dans ce débat.
Le premier changement à relever, c’est l’annulation de la visite d’Etat de Charles III. Le souverain britannique devait se rendre en France en ce début de semaine, mais l’Elysée a préféré éviter des images catastrophiques en annulant la visite. Il était en effet impensable d’imaginer faire visiter Paris au Roi alors que des manifestations y avaient lieu, pire organiser un dîner d’Etat, avec tout le cérémonial qui l’entoure aurait été désastreux en termes d’images.
Mais le signal qui marque peut-être un tournant dans cette crise, c’est la toute première, et timide main tendue d’Emmanuel MACRON aux syndicats. Le Président de la République semble comprendre que la situation n’évoluera qu’à travers eux. Car l’un des enseignements de cette crise, c’est que les syndicats sont de retour : il faut donc discuter avec eux. Vendredi, Emmanuel MACRON a donc laissé entendre que sa porte était ouverte.
La semaine prochaine, les choses vont une nouvelle fois se complexifier. Le temps presse et plus Emmanuel MACRON le laisse filer, plus il risque de s’enliser dans une situation dont il semble difficile de sortir indemne. Rencontrera-t-il les syndicats et que donneront ces discussions ? Et puis, quelle mobilisation mardi pour la prochaine journée de contestation de la réforme ?
Nous verrons ça ensemble, dans le prochain épisode de la Semaine Politique.