La journée du 7 Mars devait en particulier marquer les esprits, les syndicats ayant appelé les français opposés au projet de réforme des retraites à mettre la France à l’arrêt.
Alors toute la semaine, et alors que les manifestations se sont multipliées partout en France et les grèves prolongées, le Gouvernement était sous pression. Retour sur une semaine décisive dans le parcours très délicat d’examen de la réforme des retraites.
La France à l’arrêt ?
Ce mardi 7 mars était LA journée la plus redoutée par le Gouvernement. Annoncée depuis des semaines comme le jour où la France serait mise à l’arrêt par les syndicats, le Gouvernement tentait, tant bien que mal de désamorcer la bombe à retardement que constituait à ses yeux cette journée.
Les mobilisations de mardi, puis de samedi ont été massives. Les défilés répartis partout dans le pays ont été importants, mais le nombre de manifestants n’a pas spécialement détonné. En outre, si la CGT dénombrait plus d’un million de manifestants à travers le pays, 370 000 pour le Ministère de l’Intérieur, les chiffres faisaient état d’une mobilisation similaire à d’autres journées de manifestation. Aussi, le record de mobilisation, en date du 16 février (1,3 millions dénombrés par la CGT, 440 000 selon le Ministère de l’Intérieur) n’a pas été atteint. La mobilisation, qui devait donc être massive, n’a pas détonné par son nombre.
Ce sont davantage les grèves entreprises dans de nombreux secteurs de l’économie qui sont venues percuter le quotidien des français. Entre la SNCF, le trafic aérien et les transports en communs des grandes métropoles, la semaine a été globalement chaotique côté transports.
Pour l’heure, les effets semblent globalement contenus par la plupart des français. Mais plusieurs sujets risquent de devenir explosifs dans les prochains jours. Le premier d’entre eux concerne la suspension de la collecte des déchets dans plusieurs grandes villes du pays, dont Paris et le Havre, où les ordures ménagères n’ont pas été collectées depuis une semaine. La situation sanitaire risque de devenir critique dans les tous prochains jours si rien n’est fait d’ici là, des tonnes de déchets s'accumulant dans ces villes. Si le Gouvernement fait tout pour attribuer la faute aux exécutifs locaux et la gestion de leurs régies municipales, les maires semblent bien décidés à retourner le coup de pression au Gouvernement, arguant que l’annulation de la réforme permettrait une collecte rapide des déchets.
Autre sujet difficile qui se profile à l’horizon : celui du blocage des raffineries. Si les grèves venaient là encore à se prolonger dans le secteur, comme y appelle le syndicaliste candidat à la succession de la présidence de la CGT, les stations services pourraient se trouver à court de carburants d’ici peu. Le problème serait alors national et la contestation du projet de loi prendrait alors un tout autre tournant.
L’autre tournant syndical de cette semaine, c’est le nouveau bras de fer que les syndicats tentent d’imposer à l’exécutif. Si les organisations syndicales se sont d’abord concentrées sur Olivier DUSSOPT et Elisabeth BORNE, ils entendent désormais pressuriser une autre tête de l’exécutif : celle d’Emmanuel MACRON. Dans la semaine, l’intersyndicale appelait à être reçue par Emmanuel MACRON à l’Elysée face à l’urgence de la situation et le mépris de son silence pour citer leur communiqué de presse. Pour Philippe MARTINEZ, le président de la CGT, ce silence est un problème.
Les syndicats, ont en outre motivé leur demande par l’absence de contact avec l’exécutif depuis plusieurs longues semaines. Sentant la tension monter, l’Elysée s’est empressé d’envoyer et de publier une lettre à destination de toutes les organisations syndicales, expliquant qu’elles avaient déjà été consultées et que les recevoir alors que le débat démocratique se déroule au Parlement serait interférer dans les processus institutionnels de notre pays. Emmanuel MACRON reste donc dans sa position de l’autruche.
Le Sénat adopte le texte
Il faut dire que le Président de la République y croit … alors que le débat avait été incroyablement chaotique à l’Assemblée Nationale, le Sénat a adopté ce samedi le projet de réforme des retraites, à moins de 24h de la fin du temps d’examen prévu par le Gouvernement.
Si le groupe de gauche, et notamment les socialistes, ont aussi tenté de faire trainer les débats en déposant une multitude d’amendements quasi-identiques, le règlement du Sénat, a permis au Gouvernement d’activer des dispositifs accélérant la procédure par le vote sur des amendements groupés.
Du coup, ce samedi, le Sénat avait adopté le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, et validé l’ensemble du projet de réforme, notamment grâce au soutien du groupe Les Républicains, emmené par Bruno RETAILLEAU au Palais du Luxembourg.
Pour le Gouvernement, cette adoption du texte par le Sénat est une bonne surprise, car si l’examen du projet de réforme s’annonçait compliqué, il peut enfin se revendiquer d’avoir adopté le texte auprès de l’une des chambres du Parlement.
Tous les regards sont désormais tournés vers la Commission Mixte Paritaire qui se réunira ce mercredi, composée de 7 députés et 7 sénateurs. Ces 14 parlementaires auront la charge de discuter une nouvelle fois des aménagements sur ce texte, avant que ce dernier ne soit soumis une dernière fois au vote à l’Assemblée nationale, jeudi.
Mais dans ces conditions, une question se pose désormais :
Le Gouvernement aura-t-il une majorité sur le texte ?
C’est le débat qui anime tout le milieu politique depuis quelques jours. Le Gouvernement disposera-t-il oui ou non d’une majorité pour faire voter son texte ce jeudi ?
Pour l’heure, les chiffres remontés aux rédactions font état d’un vote en faveur du projet du Gouvernement à une dizaine de voix près. Mais le hic, c’est que ce vote va soudainement s’affiner entre mercredi et jeudi soir en fonction des derniers aménagements qu’aura décidé la Commission Mixte Paritaire.
Il semble à cette heure-ci que 2 groupes détiennent les clés du passage de la réforme.
- Le Groupe LIOT, fort de ses 20 députés, devrait peser dans la balance, dans la mesure où plusieurs de ses membres se sont dit très indécis. Habituellement partenaires du Gouvernement, ils pourraient lourdement peser dans la balance afin d’accorder leur vote.
- Et puis, comme depuis le tout début des débats sur ce projet de réforme, Les Républicains concentrent eux aussi une part importante de l’attention du Gouvernement. Le parti d’Eric CIOTTI, fort de sa soixantaine de députés, est un partenaire indispensable au passage de cette réforme, alors depuis le début de l’examen du texte, le Gouvernement est très à l’écoute de ses demandes. Globalement, le projet de réforme des retraites semble concorder parfaitement avec la vision du parti puisque le groupe LR a très largement approuvé le texte au Sénat. Mais les députés Les Républicains semblent moins rangés que leurs collègues sénateurs. Les différences idéologiques et les différents de leadership pourraient coûter plusieurs voix de soutien au projet au Gouvernement.
On le voit depuis plusieurs semaines, mais les dissidents sont nombreux. Ceux qui ont emboité le pas à Aurélien PRADIE pourraient bien manquer à Elisabeth BORNE pour faire passer son projet.
Et puis, certains évènements de cette semaine sont venus perturber la déjà très fragile proximité entre le Gouvernement et les Républicains, lorsque le Ministre de la Justice, Eric DUPONT-MORETTI, pris à partie sur sa situation personnelle, a réalisé un bras d’honneur en plein hémicycle de l’Assemblée nationale.
Ce coup de sang, dont le Ministre a dû immédiatement s’excuser, bien que très superficiel en apparence, pourrait coûter quelques voix tatillonnes au Gouvernement, alors que ce dernier est en train de compter chacune d’entre elles. Ca n’était pas la bonne semaine pour s’énerver de la sorte …
Alors jusqu’à jeudi soir et le vote définitif sur projet de réforme des retraites, le Gouvernement va recompter une par une les voix. Les téléphones risquent aussi d’être très sollicités entre mercredi et jeudi soir, de jour comme de nuit, où tout le monde risque d’être mis à contribution pour convaincre les plus récalcitrants.
Le Gouvernement va tout faire pour se retrouver dans le pire des scénarios : celui du 49-3. Interrogé sur la question d’une potentielle activation de l’article, le porte parole du Gouvernement, Olivier VERAN, a indiqué que l’objectif du Gouvernement était avant tout de trouver une majorité autour de ce projet, tout en précisant qu’il ne renoncerait pas “à cette réforme des retraites” et que le 49-3 étant un outil constitutionnel, il ne s’interdisait pas de l’utiliser.
Si le Gouvernement était contraint d’adopter le texte par l’article 49-3, ce dont rêvent les oppositions, alors, l’équipe Gouvernementale risquerait très gros. La plupart des groupes ont annoncé qu’ils déposeraient une motion de censure immédiatement après, et Marine LE PEN a déjà indiqué qu’elle voterait n’importe quelle motion de censure transpartisane.
Si une motion de censure venait à être présentée, le Gouvernement serait plus que jamais en danger, compte tenu des oppositions croissantes à ses ambitions.
Toutes les réponses à ces questions vont émerger dans les prochains jours. Nous en rendrons compte ensemble, dimanche, dans le prochain épisode de la semaine politique.