Moins d’un mois avant le premier tour

Pourtant, la campagne est toujours aussi timide, partielle, éclipsée, et c’est bien normal, au regard des évènements dramatiques liés à la guerre en Ukraine.

Macron joue la carte ambiguë de Président-candidat

Cette semaine, et c’est une nouveauté attendue de longue date dans cette campagne électorale, le Président de la République a lui aussi officiellement commencé sa propre campagne électorale.

Après l’officialisation in-extremis, la semaine précédente, de sa campagne, par une lettre aux français, Emmanuel Macron profitait de ce début de semaine pour passer en revue ses troupes, et donner le coup d’envoi de la campagne conduite en son nom partout en France.

Lundi, le désormais candidat Emmanuel Macron visitait son nouveau QG de campagne, dans le 8e arrondissement de Paris. L’occasion, pour lui, de passer en revue ses troupes du parti, retrouver les faiseurs de roi de 2017, ses proches conseillers, mais aussi les derniers ralliés comme Renaud Muselier et Hubert Falco par exemple. Pour le candidat, un objectif : mettre en scène la mise en route de la machine et mobiliser ses troupes. Même si les sondages sont très bons pour le Président de la République, crédité jusqu’à 33% d’intentions de vote au premier tour cette semaine, pas question de considérer l’élection comme aquise. Dans la mini-série le candidat, que le parti produit en interne et diffuse sur les réseaux sociaux de la campagne, le candidat En Marche rappelle à nouveau cette mise en garde.

Du côté de la communication de la campagne un objectif clair : préserver la stature de chef des armées dont bénéficie le Président de la République dans ce moment particulier, et créer un second personnage de candidat, plus combatif, en parallèle.

Lundi, à plusieurs reprises, les caméras se sont invitées dans le bureau de campagne du candidat, comme pour différencier ses occupations. Ruth Elkrief décrochait même pour LCI la première interview d’Emmanuel Macron candidat pour son émission #FaceauxFrançaises. Dans cette séquence, la mise en scène est poussée et renoue avec les codes de 2017 : mettre en scène un candidat jeune et moderne, dans des bureaux simples façon start-up, décorés de souvenirs du quinquennat.

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Une fois ses troupes mobilisées et les bureaux visités, le chef de l’Etat est descendu dans l’arène dans la même journée.

Et pour cela, le désormais candidat a pris la route direction Poissy, chez le maire divers droite Karl Olive, pour participer à un débat avec les français. L’équipe d’Emmanuel Macron a largement travaillé ce format. Salle réduite, mise en scène réduite au strict minimum, simple logo avec vous et copié-collé de la structure déjà expérimentée du Grand Débat National. L’idée : montrer que le Président de la République est accessible, proche des français et s’intéresse avant tout à leurs préoccupations plus qu’à sa réelection. Dans le viseur, apparaître comme le candidat de l’humilité, jouant avec la simplicité et sa relation avec les français plus qu’avec les artifices de ses opposants. Le parallèle était d’ailleurs répété toute la semaine par ses lieutenants : les autres candidats font des meetings dans des salles conquises, lui se frotte aux français.

A la fin, l’exercice semble réussi. Mais mardi matin, France Inter vient remettre en cause la sincérité de cet échange avec la diffusion de fiches dont disposait l’animateur du débat, avec les questions posées par les français. La campagne démentira y avoir eu accès. Rien de surprenant mais sur ce point très amateur pour une campagne qui se prépare depuis des mois.

A la fin de ce débat, le même animateur, Karl Olive, annonce la cloture des échanges, le candidat devant endosser à nouveau le costume de Président pour un appel international.

Ce changement de statut décrit bien la difficulté pour Emmanuel Macron de faire campagne, en particulier dans le contexte actuel. Le Président est candidat mais reste avant tout Président. D’où l’impossibilité pour lui, avec la guerre en Ukraine de mener une campagne classique, comme le réclament nombreux de ses adversaires. Dans les jours qui suivent cette journée campagne, le Président prenait la tête cette semaine d’un Conseil Européen extraordinaire organisé à Versailles, enfilant à tout nouveau son costume de Président.

Outre au travers de cet agenda compliqué, la campagne du Président de la République se heurte aussi à d’autres duplicités. La commission de contrôle de la campagne électorale retoquait cette semaine l’utilisation du compte Twitter personnel d’Emmanuel Macron pour la diffusion des matériaux de propagande électorale, au motif que ce compte était lié à sa fonction de Président de la République. Ce débat, superficiel en apparence, en dit long sur la complexité de jouer sur deux tableaux. Certes, le compte d’Emmanuel Macron a été utilisé les 5 dernières années comme étant celui de la Président de la République, mais il reste avant tout celui d’Emmanuel Macron, la personne. Pourquoi n’aurait-il donc pas le droit de l’utiliser ? Sur ce point, le Président de la République, à défaut de ses concurrents, part avec un désavantage, et se voit contraint d’utiliser le compte de sa campagne @AvecVous.

Le débat au centre du débat

Alors cette double position embête ses concurrents. Qui attaquer : le Président ? le candidat ? les deux ? Difficile pour ses adversaires, de viser juste sans paraître comme les responsables du délitement de l’union nationale réclamée par les circonstances.

Cette semaine, nombreux étaient donc ses adversaires à réclamer un débat avec Emmanuel Macron désormais candidat. Mais le Président et son équipe, s’y refusent, comme il a déclaré lui-même à Poissy.

Parmi les raisons avancées par la campagne, l’idée qu’organiser un débat reviendrait en réalité et mettre en scène une série d’invectives contre le Chef de l’Etat. Invité de la matinale de France Inter cette semaine, le porte parole du Gouvernement, Gabriel Attal, a clairement donnné les arguments de cette position.

Une campagne sans débat c’est tout de même problématique. Comme aime le rappeler la plupart des candidats demandeurs d’un tel format, la démocratie, c’est avant tout le débat et la confrontation des idées. Très juste. Mais peut-on vraiment parler de débat lorsque l’on regarde les formats auxquels se prêtent les candidats à la Présidentielle depuis des mois ? Peut-on affirmer que les émissions qui ont été proposées relèvent davantage de l’argumentation que de la confrontation, que du clash, du buzz ? Peut-on affirmer encore, que ces émissions ont nourri le débat public, fait entrer de nouvelles idées, redonné du crédit à la politique et de l’importance à ce scrutin ? Pas vraiment.

Le débat, organisé cette semaine entre Valérie Pécresse et Eric Zemmour a une fois de plus abondé en ce sens. Pas ou très peu de confrontation d’idées mais plutôt la mise en scène d’une inaudible cacophonie et de séries d’invectives justement moquées comme infantines. Les deux candidats de droite, tous deux en perte de vitesse dans les sondages, ont joué la course à la séquence buzz et tenté de s’arracher le flambeau du plus agressif tout au long du débat.

Alors dans ses conditions, débattre est-il vraiment nécessaire ou un plus dangereux encore pour la crédibilité de la sphère politique ?

Et si Mélenchon bénéficiait en dernière ligne droite d’une dynamique ?

Enfin, si certains candidats semblent empêtrés dans une interminable descente aux enfers dans les intentions de vote, un candidat semble profiter d’une dynamique de dernière minute : Jean-Luc Mélenchon.

Le chef de file des Insoumis l’a toujours dit. Ses campagnes décollent au dernier moment. Depuis des mois, le candidat de gauche le sait, son moment interviendra dans les dernières semaines. Alors en attendant, Jean-Luc Mélenchon faisait campagne discrètement, mais va désormais commencer le pilonnage.

Cette idée d’une dynamique Mélenchon s’installe. Après la multiplication des meetings et la diffusion de formats originaux sur les réseaux sociaux du candidat, Jean-Luc Mélenchon renoue avec une partie essentielle de l’électorat de gauche : la jeunesse. Le candidat de la France Insoumise a bien compris l’enjeu de cette élection. Le PS a définitivement perdu toute crédibilité, incapable de susciter une dynamique autour de sa propre candidate. Les écologistes semblent empêtrés dans leurs propres questionnements et peinent à dépasser les seuls sujets liés à l’environnement. Alors pour Jean-Luc Mélenchon, un très grand espace est désormais ouvert. Le candidat va en ce sens accentuer sa position de candidat hégémonique de la gauche, capable d’incarner des propositions dans le domaine du social, et notamment l’aide aux plus précaires, l’écologie mais aussi l’avenir du pays autrement que dans l’horizon défaitiste de ses concurrents. Jean-Luc Mélenchon sait que dans ces temps troublés et après deux ans de covid particulièrement difficiles, il doit redonner un horizon d’espoir à la jeunesse. C’est ce qui séduit cet électorat, et va continuer de le séduire dans les prochains jours. Cette partie de la population, on le sait s’intéresse toujours tardivement à la compétition électorale, et c’est sur cette temporalité courte qu’espère capitaliser l’insoumis.

Alors pour l’instant, pas de quoi s’affoler, Jean-Luc Mélenchon reste à 10.5% d’intentions de vote au 1er tour dans le dernier rolling de l’IFOP, mais certains journalistes pensent que les prochains jours verront l’insoumis gagner du terrain. Et pourquoi pas à terme, se placer en bonne position pour une qualification au second tour ?

La semaine prochaine, Emmanuel Macron devrait reprendre sa campagne en province à l’occasion de plusieurs déplacements. Lundi soir verra aussi pour la première fois les principaux candidats affronter leurs visions dans un premier format commun.