C’est parti pour deux mois de grands weekends politiques au cours desquels les prises de parole des différents candidats vont s’enchainer.
La saison des grands meetings est officiellement ouverte
Samedi d’abord c’était l’extrême droite qui était mobilisée, avec les prises de parole quasi simultanées de Marine Le Pen et Eric Zemmour.
Le polémiste avait choisi Lille, dans le Nord, pour y prononcer un discours d’ampleur sur le pouvoir d’achat. Loin de faire salle comble, il est quand même parvenu à rassembler environ 6000 personnes.
Pour Eric Zemmour, dont la personnalité voire le personnage est désormais bien ancré dans le débat public, l’enjeu était de médiatiser plusieurs propositions de son programme présidentiel, en dehors de ses thèmes de prédilection de l’immigration et de l’insécurité.
La venue du polémiste à Lille, ville détenue par Martine Aubry, historique figure de la gauche, a fait débat. La Maire de la ville a même organisé avec SOS Racisme une manifestation contre sa venue. Eric Zemmour s’est fait un plaisir de la tacler dès son arrivée.
Sur le thème du pouvoir d’achat, sans surprise, le polémiste a adopté un ton populiste, déclinant plusieurs idées aux perspectives de financement relativement floues. Prime 0 charge pour l’employeur s’apparentant "à un 13e, 14e voir 15e mois" selon les propos du polémiste ou encore la remise au gout du jour du projet de participations pour les salariés au sein de leurs entreprises.
Pour Eric Zemmour, sur ce sujet, plusieurs intérêts. D’abord, le premier continuer à fracturer l’électorat de droite. La branche la plus extrême de ces électeurs a largement entendu son message ces dernières semaines, comme l’ont illustré les derniers rassemblements en date, venus en majorité du Rassemblement National. De fait, Eric Zemmour ambitionne de grappiller quelques points d’intentions de vote à Valérie Pécresse et plus généralement aux Républicains. Et quoi de mieux que de se servir parmi les grandes idées sarkozystes pour séduire cet électorat.
En ventant le Travailler plus pour gagner plus, le polémiste fait clairement un appel du pied à ces partisans.
Deuxième cible : les jeunes. Eric Zemmour l’a compris, les jeunes peuvent s’agréger en nombre autour de sa candidature. Ses rangs ont été parmi les premiers à démontrer une véritable force de jeunesse, notamment au travers du mouvement Génération Z. Particulièrement actifs sur le terrain comme sur les réseaux sociaux, Zemmour sait la force de frappe qu’ils incarnent, d’où sa volonté de les draguer davantage encore quitte à faire des liens de causalité surprenants.
Mais que serait un meeting d’extrême droite sans quand même une mention à l’immigration ? Surement un peu fade. Rappelons que le thème principal du meeting était le pouvoir d’achat. Pour Eric Zemmour, l’explication est simple. Aujourd’hui, les français ne touchent pas assez d’argent car le système actuel redistribue l’argent public en priorité aux immigrés. Et tant qu’à avancer une telle explication, autant faire une piqure de rappel sur le Grand Remplacement, théorie chère au polémiste.
Un peu plus bas en France, à quelques heures d’intervalle, Marine Le Pen, elle aussi prenait la parole à l’occasion d’un grand meeting. Pour cet évènement politique, le premier depuis plusieurs semaines d’une telle ampleur pour la candidate, ses équipes avaient imaginé un imposant dispositif scénique, et notamment la mise en scène de la candidate devant un décor formant un M géant, comme symbole de sa nouvelle campagne. Bien que cette remarque ai déjà été faite ici, le M utilisé comme logo pour cette campagne ressemble comme deux gouttes d’eau au logo de Netflix.
A Reims, Marine Le Pen s’est employée à jouer deux cartes.
La première, et la candidate en avait bien besoin : c’est celle du rassemblement. Après les multiples défections qui ont agité ses rangs ces dernières semaines, l’enjeu était de se montrer unis et forts face à Eric Zemmour. Pour ce faire, la Convention Présidentielle de la Candidate réunissait de nombreuses têtes d’affiche du parti, dont Louis Aliot, Thierry Mariani, Jean-Paul Garraud, Jordan Bardella, et d’autres. Un enjeu : montrer que les grandes figures du RN sont toujours là, et que les déserteurs n’étaient que de petits pions d’un grand parti.
Dans son discours, la candidate n’a pas pris de risque optant pour un phrasé classique autour du combat contre les élites, la lutte contre les enjeux financiers, les dangers de la mondialisation et le retour à une politique proche du peuple. Bref, Marine Le Pen l’a dit elle-même, elle souhaite être “la candidate du peuple, la candidate de la Nation”
Mais lors de ce rassemblement, la candidate s’est employée à mobiliser une seconde carte, jusqu’alors délaissée lors de ses précédentes candidatures : celle de l’émotion. Marine Le Pen l’a compris, la prime à la rigidité, la position la plus extrême, le discours le plus radical, tout cela est désormais incarné par Eric Zemmour qui s’est installé à la droite de son positionnement déjà pourtant extrême. Marine Le Pen se doit donc d’incarner, contrainte, celle d’une extrême droite soft, plus simple, moins rigide, moins effrayante. Loin des tons autoritaires de son concurrent, c’est une extrême droite apaisée et réfléchie que la candidate souhaite incarner.
Plus encore, elle se voit désormais incarner une extrême droite plus humaine. Elle s’était hissée au sommet du parti de son père en s’affichant ferme, droite. Mais depuis 2017, Marine Le Pen accentue cette stratégie de mise en avant de la faillite, de la défaillance possible pour se rendre plus humaine. Cette stratégie a été renouvelée ces dernières semaines avec la séquence de déchirure familiale autour des hésitations de Marion Maréchal, sa nièce. A la fin de ce meeting, à Reims, Marine Le Pen s’est comme confiée à ses militants pour exprimer ses souffrances personnelles à l’occasion d’une séquence travaillée et longtemps réfléchie. A la fin de son discours, la candidate lâche son pupitre et s’avance sur le devant de l’estrade pour raconter une histoire plus personnelle. C’est la séquence émotion, de Marine Le Pen.
Dans la série des grands meetings ce weekend, le candidat communiste Fabien Roussel tenait lui aussi ce dimanche une grande réunion publique à Marseille. Le candidat, qui parvient à percer dans l’opinion après plusieurs passages médias remarqués et un programme réfléchi, espère bénéficier d’une dynamique nouvelle alors que ses concurrents de gauche calent.
A gauche, après la primaire populaire, le retour du grand flou
A gauche justement, c’est le retour du grand flou. La fin de la séquence de la Primaire Populaire, et l’annonce de la victoire de Christiane Taubira devait clore cette séquence de division pour la gauche et engager un processus de rassemblement.
Il semble que les choses soient plus compliquées que ça.
A commencer par Christiane Taubira, vainqueur donc de ce scrutin citoyen, dont la candidature n’a pas connu de dynamique fulgurante dans les sondages cette semaine. L’ancienne Ministre de la Justice de François Hollande semble plafonner au 3%. Il faut dire que la semaine politique de Christiane Taubira a été rude, avec l’enchainement de nombreuses polémiques.
Dès son discours de victoire de la Primaire Populaire, la candidate a commencé les faux pas, en décrivant les enjeux pour cette élection de 2002, lapsus faisant inévitablement référence à la division à gauche qu’elle avait déjà suscité il y a 20 ans. Dans la semaine, ses visuels de campagne ont été moqués pour compter des fautes d’orthographe. Enfin, plus grave encore, la candidate est apparue perdue alors qu’elle était interrogée par la Fondation Abbé Pierre sur des questions de précarité et de logement. Le nombre de parrainages reçus par la candidate jusqu’à présent est également la source de moqueries.
Du côté d’Anne Hidalgo, la situation n’est pas vraiment beaucoup plus joyeuse. La candidate se trouve affaiblie par la candidature de Christiane Taubira et est maintenant donné en dessous des 5% d’intentions de vote. Ce score serait dramatique puisqu’il ne permettrait même pas le remboursement de ses frais de campagne : un scénario envisageable pour le parti socialiste. Alors pour tenter de relancer une nouvelle fois une campagne vraiment à la peine, la candidate a mis en scène le soutien de l’ancien Premier Ministre Bernard Cazeneuve comme Président de son comité de soutien.
De son côté, Jean Luc Mélenchon espère passer à la vitesse supérieure dans les prochains jours. Le candidat considère que la montée en puissance de sa candidature va se faire dans les dernières semaines, comme en 2017.
Emmanuel Macron repousse encore son entrée en campagne
C’est désormais le dernier vrai suspense de cette campagne électorale. Quand le Président de la République va-t-il officialiser son entrée dans la bataille électorale ? Décidément pas cette semaine a répondu l’intéressé à la Voix du Nord.
Les proches du Président de la République avaient pourtant laissé entendre que le début du mois de février avait la préférence du Président. Du côté du parti présidentiel, tout est prêt assure-t-on, et la campagne a été officieusement lancée avec l’opération de communication Avec vous, partout en France.
Le Président de la République, interrogé sur le lancement désormais attendu de sa campagne a indiqué faire face à d’autres impératifs prioritaires pour le moment, comme la gestion de l’escalade des tensions entre l’Ukraine et la Russie et la décrue de la vague Omicron en France.
Il a indiqué
“J’ai déjà dit ce que je pensais des projets, de l’enthousiasme et de l’amour que j’ai pour notre pays. Mais j’ai d’abord l’obsession que la phase aiguë de l’épidémie et le pic de la crise géopolitique actuelle soient derrière nous. Je ne peux pas raisonnablement expliquer aux Français que je vais m’adonner à ce temps démocratique important, alors que je leur ai dit que je serai président jusqu’au bout et que nous avons une crise à la frontière ukrainienne qui menace notre sécurité collective. “
La semaine prochaine, le Président de la République devrait rester focalisé sur la gestion de la crise diplomatique entre l’Ukraine et la Russie, sauf amélioration soudaine de la situation. Pour les autres candidats, les prochains jours seront l’occasion de faire un premier bilan de ce weekend de grands meetings.