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Très discret au coeur des débats sur le projet de réforme des retraites à l’Assemblée Nationale, il a fini par sortir de son silence médiatique cette semaine en multipliant les déplacements, et les images au contact des français.
Pour le Président de la République, un enjeu : se montrer concerné par les débats parlementaires tout en se positionnant sur d’autres sujets pour éviter d’être trop associé à ce projet de réforme contesté.
Ré-emerger après une longue période de silence sur le plan national
Cela faisait un moment que le Président de la République s’était détaché de la vie politique nationale. Tout au long des débats à l’Assemblée nationale sur le projet de réforme des retraites, le Président a semblé comme occupé par d’autres problématiques. Le mois de février, s’est pratiquement joué que sur des sujets internationaux pour Emmanuel Macron.
Réception surprise de Volodymyr ZELENSKY à l’Elysée, Conseil Européen, réponse à la catastrophe naturelle en Syrie et en Turquie, conférence sur la sécurité à Munich, … bref, Emmanuel MACRON a pris ses distances avec la politique nationale et confié le débat sur la réforme des retraites aux poids lourds de son Gouvernement.
Alors stratégiquement, Emmanuel MACRON est coutumier de fait. L’an dernier, il s’était déjà servi de l’international, dans des conditions exceptionnelles de déclenchement de la guerre en Ukraine, pour entrer plus tard en campagne et s’éviter des débats risqués, au motif d’un agenda très chargé. Bis repetita donc, le chef de l’Etat a confié les clés de la réforme à sa première Ministre et plus largement aux autres ministres concernés, pour mener la barque, et éviter que la sienne ne tangue de trop.
Le chef de l’Etat a bien-sûr répondu à quelques questions sur le sujet au cours de ces déplacements, mais à la marge, priorisant toujours les sujets internationaux.
Alors, concrètement, cette stratégie a été plutôt efficace. A l’Elysée, ses équipes redoutaient surtout que le Président de la République devienne la cible de toutes les attaques, or celles-ci ont été plutôt dispersées, notamment auprès des membres du Gouvernement. En conséquence, la côte de popularité d’Emmanuel MACRON diminue en février selon tous les instituts de sondage, mais n’enregistre pas de baisse spectaculaire. La plupart des instituts de sondage indiquent que le Président de la République retrouve un niveau de popularité néanmoins très bas, quasi-équivalent à celui des mois qui précédaient le début de la pandémie. Mais cette baisse, a été observée chez tous les Présidents qui ont réformé le système de retraites. Comme prévu, Emmanuel MACRON n’échappe pas à la règle.
Refaire surface sur des thèmes connexes mais plus positifs
Si le Président de la République s’est évité de plonger dans les polémiques tout le mois de février, ça n’était pas pour y mettre les deux pieds de dedans cette semaine. Mais d’un point de vue de sa communication, impossible d’adopter une ligne trop brouillonne et de se lancer dans des thèmes finalement trop éloignés des préoccupations actuelles des français, focalisées autour de la réforme des retraites.
Sa première prise de parole remarquée, était un peu sans risque. Emmanuel Macron recevait lundi les acteurs de la French Tech à l’Elysée, afin d’honorer une nouvelle promotion d’entreprises innovantes françaises, les start-ups les plus prometteuses du pays. Le public, comme le sujet, sont acquis à la cause du Président de la République, et ont permis à Emmanuel Macron de montrer qu’il connaissait toujours aussi bien le secteur et ses acteurs.
Mais le premier vrai déplacement de terrain, était organisé en surprise, ce mardi matin, à Rungis. Il devait mettre en scène la valeur travail sous un angle différent alors que celle-ci a été particulièrement secouée ces dernières semaines. L’objectif pour Emmanuel Macron : valoriser les travailleurs, et notamment ceux qui travaillent dans des conditions difficiles, la nuit, ou devant assumer des charges importantes. Pour ce faire, le Président actuel a quelque peu adapté la célèbre formule de Nicolas SARKOZY, et rendu hommage à cette “France qui se lève tôt”. Au final, l’idée était de ré-humaniser Emmanuel MACRON et de montrer que le Président de la République avait pleinement conscience de l’effort demandé aux français.
Enfin, ce weekend, Emmanuel MACRON inaugurait comme le veut la tradition le salon de l’agriculture, à Paris. Sur place, le Président de la République comptait se montrer proche des agriculteurs, des éleveurs, des pêcheurs, et plus globalement sensible à la question du bien-manger, en particulier dans une période très affectée par l’inflation et l’augmentation des coûts des produits alimentaires. Là-encore, même si le déplacement était prévu de longue date, il permet au Président de la République d’aborder un sujet de préoccupation de tous les français : le coût de la vie, la qualité des produits, leur origine, et plus globalement l’alimentation, un sujet peu clivant aux yeux des français. Les équipes de l’Elysée savaient que ce déplacement ne serait pas vraiment adapté à une opération de séduction, et tout a donc été fait pour limiter les clichés à la Chirac tapotant les vaches ou François HOLLANDE qui enchainait les verres. Cette année, c’est davantage un Président venu au contact que ses équipes ont cherché à présenter.
Deux déplacements qui visent à transmettre un message : la volonté du contact
En effet, cela faisait maintenant des semaines que le milieu politique accusait Emmanuel Macron de se cacher. Se cacher derrière la réforme des retraites, se cacher à l’Elysée, bref. Le Président aurait peur de se confronter aux français et d’assumer auprès de ces derniers sa réforme très contestée, c’est en tous cas le message que les oppositions n’ont eu de cesse de répéter.
Alors, la communication présidentielle a multiplié cette semaine les séquences au contact des français, comme pour prouver le contraire.
A Rungis, d’abord, c’est évidemment sur la réforme des retraites que le Président de la République a été interpellé. A la différence de toutes ses prises de parole précédentes, Emmanuel MACRON a donné l’impression de formuler des réponses plus apaisées, comme si lui-même avait désormais pleinement assumé son argumentaire. Même si au fond, les arguments n’ont pas évolué, c’est le ton du chef de l’Etat qui semble s’être calmé, rappelant qu’à ses yeux, travailler davantage constituait la seule option, que des aménagements au projet avaient été permis par les débats et que le texte devait encore s’enrichir grâce à son examen au Sénat, à partir de la semaine prochaine.
Le Salon de l’Agriculture était le passage le plus redouté de cette semaine. Si l’on retient généralement les photos des politiques posant à côté d’une vache, ou mangeant de la langue de boeuf à 7h du matin avant d’enchainer sur une bière, un rhum et du vin en quelques heures, le Salon de l’Agriculture est aussi le temple de célèbres altercations. Les médias ont tous fait un sujet dessus cette semaine, Nicolas SARKOZY y avait prononcé le “casse toi pauv con”, François HOLLANDE avait ironisé sur son prédécesseur, Emmanuel MACRON alors candidat avait été visé par des oeufs, bref, cet évènement est chaque année le théâtre de drôles de rencontres. Cette édition a bien évidemment contribué au cru. Mais c’est un sujet pourtant inattendu qui a fait irruption pendant la déambulation du chef de l’Etat. Plusieurs militants écologistes ont interpellé le Président de la République dans les allées sur le bilan environnemental de sa présidence. Une vive altercation entre un militant du collectif Dernière Rénovation et le Chef de l’Etat a été amplement relayée.
L’échange est tendu, et Emmanuel MACRON, se sachant scruté tente de rester en contrôle et d’échanger avec le militant. La scène ne donnera finalement lieu à rien, le militant refusant de débattre, et Emmanuel MACRON s’en agaçant. Pour le collectif, la scène est une pépite, elle a été diffusée dans tous les médias.
Si plusieurs autres altercations ont été relayées sur les réseaux sociaux, au final, les équipes du Président de la République ont réussi à faire ré-émerger le chef de l’Etat dans le quotidien des français en limitant pour l’instant la casse.
Les débats sur le projet de réforme des retraites qui s’ouvrent cette semaine au Sénat, devraient pourtant attiser à nouveau les critiques envers le Président de la République.