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Polémiques futiles, débats inutiles, attaques en nombre et messages sombres c’est un peu comme ça que l’on pourrait résumer l’actualité politique de ces derniers jours.
Alors que l’Assemblée nationale entamait cette semaine l’examen du projet de loi très contesté de réforme des retraites, la sphère politique française s’est muée en une sorte de gigantesque capharnaüm : provocations, querelles de fond comme de forme, la semaine a semblé cumuler les incidents, au détriment d’un débat sur les enjeux de fond de cette réforme qui divise.
Le début de l’examen du projet de loi était prévu pour lundi.
Mais la semaine n’avait pas encore commencé que le Gouvernement partait en position délicate. Le weekend qui précédait le début de l’examen du texte avait vu le Ministre du travail, Olivier DUSSOPT, déjà particulièrement exposé en raison du texte de la réforme des retraites dont il a la charge, placé au centre d’une polémique.
Le ministre était accusé de favoritisme sur une attribution de marché public lorsqu’il occupait des fonctions de maire, dans un article publié par Mediapart. Pour la majorité, compliqué donc, de commencer la semaine sereinement, d’autant plus que ce sujet était l’occasion rêvée pour les oppositions de tirer à boulets rouges sur le Gouvernement. Alors bien évidemment, le parti présidentiel a crié au retour des boules puantes et une information calomnieuse sortie à ce moment précis pour nuire aux débats. Mais le Président de la République et la Première Ministre, conscient du danger, ont été obligés d’intervenir rapidement pour rappeler leur confiance envers le Ministre du Travail, afin de relativiser les attaques à son encontre.
Nous n’étions donc pas encore lundi, que le ton de cette semaine était déjà donné.
Car si les débats sur le fond de cette réforme des retraites auraient dû primer cette semaine, c’est davantage le chaos qui a semblé régner en maitre à l’Assemblée nationale.
La NUPES, et la majorité présidentielle se sont mutuellement pris à partie tout au long de la semaine
Pour le groupe Renaissance, le mode opératoire semblait suivre le dicton selon lequel “la meilleure défense c’est l’attaque”. A chaque action, chaque prise de parole de la NUPES, les députés du parti présidentiel ont fait mine de s’offusquer, criant au scandale, demandant continuellement des rappels au règlement pour s’insurger contre le comportement d’une NUPES trop agitée.
Alors, la NUPES a elle aussi joué le jeu, provoquant sans arrêt la majorité présidentielle par des altercations ou en défendant des amendements pour faire tomber dans le panneau des députés visiblement à cran.
Sur le fond, au relèvera des divergences très claires.
La majorité présidentielle l’a rappelé, elle ne souhaite pas taxer davantage les français, et en particulier les français les plus fortunés, pour financer le système de retraites. Parmi les trois options à sa disposition : augmentation des cotisations sociales, diminution des pensions ou l’allongement de la durée du temps de travail, le Gouvernement assume désormais de demander cet effort aux français. Car si la justification de cette réforme a longtemps été floue, laissant entrevoir un Gouvernement qui avait du mal à se positionner, les choses semblent désormais actées. Gabriel ATTAL, a résumé la pensée du Gouvernement au perchoir de l’Assemblée nationale.
La gauche, et c’est là toute la divergence de fond de cette réforme, s’oppose fermement à cette hypothèse et dénonce l’injustice que représenterait un allongement de deux ans de la durée du temps de travail. Toute la semaine, les arguments pointant du doigt la fatigue physique, mais aussi morale des travailleurs âgés de 64 ans se sont multipliés. Les députés de la NUPES ont répété leurs arguments en faveur du droit à la paresse et d’une retraite à 60 ans permettant de profiter des “jours heureux”. Les prises de position se sont succédé dans la semaine, mais c’est François RUFFIN, député La France Insoumise, qui a particulièrement marqué les esprits en dénonçant une réforme injuste, mise en place au mauvais moment, et aggravant les conditions de santé des travailleurs les plus précaires.
Des polémiques à la pelle
Mais globalement, ce qui ressort le plus de cette semaine, et c’est bien dommage, ce sont les polémiques qui se sont succédé de toutes part dans l’hémicycle. La plupart ont bien évidemment été réparties entre la majorité présidentielle et la NUPES. Les deux forces politiques ont littéralement préempté l’espace médiatique cette semaine, après que la droite en ait été la star la semaine passée. Dans un élan de recherche de notoriété, les polémiques se sont donc enchainées.
Thomas PORTES, député LFI, publiait ce jeudi, un tweet l’illustrant, vêtu de son écharpe tricolore, devant le Ministère du Travail, le pied sur un ballon recouvert de photos représentant la tête d’Olivier DUSSOPT, Ministre du Travail, et d’Emmanuel MACRON, président de la République. Le tweet s’est immédiatement suivi d’une gigantesque polémique, la majorité présidentielle dénonçant un appel à la violence et une provocation ignoble, en particulier de la part d’un élu de la République. De toutes part, les critiques ont été unanimes, aussi bien dans l’hémicycle que dans les médias. De la gauche à l’extrême droite, tous les partis et groupes politiques ont dénoncé une image choquante et déplacée. Même les partenaires de la NUPES se sont très largement désolidarisés du député. Fabien ROUSSEL, candidat du parti communiste à la présidentielle, et plusieurs députés socialistes ont dû lâcher le député insoumis. Vendredi soir, contre l’avis de la France Insoumise, le député était condamné par le bureau de l’Assemblée nationale à une exclusion de 15 jours, sanction que la France Insoumise a immédiatement dénoncée.
Mais ça n’est pas le seul sujet qui a enflammé la toile cette semaine. Puisque le projet de réforme des retraites s’inscrit dans le cadre d’un Projet de Loi de Finances Rectificatives de la Sécurité Sociale (PLFRSS), d’autres thématiques sont aussi abordées au cours des débats. Parmi elles, la question des repas étudiants, et leur coût. Les députés de la majorité, avaient prévu de faire voter cette semaine un texte prévoyant la prolongation du dispositif actuel : le repas à 1 euro pour les boursiers et les étudiants en situation précaire.
Ce dispositif a donc été prolongé. Mais à gauche, les socialistes ont souhaité aller plus loin, en proposant de généraliser le repas universitaire à un euro à l’ensemble des étudiants, justifiant cette mesure comme un progrès majeur pour la justice sociale et la situation étudiante, très largement affectée par l’inflation actuelle. Mais le hic, c’est que cette proposition, a été refusée, l’Assemblée nationale ayant voté contre à une voix près, et ce grâce à soutien de la majorité présidentielle, donnant ainsi à la gauche une nouvelle occasion de lui taper dessus.
Alors sur le fond, les arguments s’entendent : les socialistes ont pris la défense des étudiants et leur situation économique particulièrement affectée par l’inflation et les crises en général, et tentait de répondre à un fléau : celui de milliers d’étudiants qui ne peuvent manger à leur faim. La majorité, a elle défendu un autre point de vue : arguant que certains étudiants n’avaient pas besoin de bénéficier d’un repas au prix d’un euro, voire que cette mesure, chiffrée à 90 millions d’euros par an, affecterait trop lourdement le budget de l’Etat, rappelons-le, de 300 milliards d’euros cette année.
Mais, prise en défaut, sur un sujet finalement consensuel : l’aide aux étudiants, la majorité s’est débattue avec des arguments qui sont apparus ridicules. Prisca THEVENOT, députée très médiatique, s’est empressée de tweeter qu’un amendement de ce type s’adressait aux enfants de millionnaires et leur permettrait de bénéficier d’un repas à un euro, une déclaration qui a bien évidemment provoqué un tollé. Sur ce point, la majorité a creusé son trou toute seule et s’est infligé une polémique inutile.
Il conviendra de passer outre les évènements qui ont entouré la prise de parole d’Adrien QUATENNENS ou la figure d’Elisabeth BORNE pendue lors d’une manifestation, car ce serait au fond donner trop d’importance à des faits anecdotiques qui ne méritent pas toute cette attention. Mais en somme, ce que l’on peut dire, c’est que cette semaine n’a pas permis un débat raisonné sur le fond du projet de loi de réforme des retraites.
Chaque camp a préféré conforter ses positions et exagérer chacun des évènements pour en tirer profit. Gérald DARMANIN alertait, la semaine avant le début des débats sur un risque de bordélisation de l’Assemblée provoqué par la NUPES. Cette semaine, force est de constater que la bordélisation a bien eu lieu : mais autant de par les rangs de la NUPES, qui a forcé la provocation par ses déclarations, que dans les rangs de la majorité qui s’est positionnée maladroitement tout au long de la semaine.
Cette semaine mouvementée appelle décidément à un retour à l’ordre rapide. Mais pour Emmanuel MACRON, pas question d’apparaitre mêlé à ces débats. Le Président de la République le sait, il doit tout faire pour éviter que cette réforme soit identifiée comme sa première préoccupation s’il veut que celle-ci ait une chance de passer.
Alors, dans un tour de magie qui n’a désormais plus rien de très original, Emmanuel Macron a remis le cap sur les questions internationales, et notamment la Guerre en Ukraine, qui lui avait rapporté gros lors de son déclenchement, l’an passé. En recevant, à l’occasion d’une visite surprise, le président Ukrainien, Volodymyr ZELENSKY, il s’est montré préoccupé par des enjeux plus graves, laissant les manœuvres politiques, tractations et polémiques aux députés, et donc, à son Gouvernement. Même dans la réception du chef d’Etat, Olaf SCHOLZ, le chancelier allemand, lui aussi invité au dîner de travail avec Volodymyr ZELENSKY, s’est presque vu marginalisé des dispositifs. C’est Emmanuel MACRON qui recevait le président Ukrainien, et il comptait bien que ça se voit. Dans la soirée de mercredi, toutes les chaines d’information ont retransmis en direct l’arrivée du Président Ukrainien, et les images, de la remise de la légion d’honneur, ainsi que leur déplacement commun à Bruxelles, ont très clairement préempté l’espace médiatique le lendemain. Pour Emmanuel MACRON, cette visite tombe à pic. En se concentrant sur le sujet de la Guerre en Ukraine, il relativise les débats en cours à l’Assemblée et fait parler d’un sujet, la guerre, sur lequel les français sont peu divisés.
Une question subsiste cependant. Alors que la mobilisation contre ce projet de loi semble s’ancrer, se confirmer à chaque manifestation, combien de temps Emmanuel Macron restera-t-il dans l’ombre ? Combien de temps, le Président de la République, qui veut faire de ce projet l’un des totems de son passage à l’Elysée, tiendra-t-il avant de mettre son propre poids dans la balance ? Les jours qui arrivent ne verront pas la mobilisation s’essouffler, et les débats parlementaires, limités dans le temps, risquent de ne pas permettre un examen approfondi du texte.
Tout laisse à penser qu’Emmanuel Macron va avoir de plus en plus de mal à éviter le sujet, mais jusqu’à quand ?